Vercors est le pseudonyme littéraire adopté pendant la Résistance, durant la Seconde Guerre mondiale, par l'illustrateur et écrivain français Jean Bruller. Jean Marcel Adolphe Bruller est né le 26 février 1902 à ParisXVe et mort le 10 juin 1991 à Paris Ier. L'état civil indique “Brüller” sur l'acte de naissance1, mais tous les livres publiés2 et l'usage utilisent “Bruller”.
Pacifiste jusqu'en 1938, il est mobilisé pendant la Seconde Guerre mondiale à Mours St-Eusèbe près de Romans au pied du massif du Vercors. Il entre ensuite dans la Résistance, encouragé par Pierre de Lescure, et prend le pseudonyme de Vercors, nom d'un massif montagneux, procédé utilisé par de nombreux résistants . En 1941, il co-fonde, avec Pierre de Lescure, les Éditions de Minuit, maison d'édition clandestine et y publie sa nouvelle Le Silence de la mer en 1942. Il est le concepteur du logo à l'étoile des Éditions de Minuit. Il participe également au Comité national des écrivains (CNE) et au Mouvement de la paix. Il a écrit ses souvenirs dans La Bataille du silence. Il fait partie de la Commission d'épuration de l'édition, mais il en démissionne en raison de l'inégalité des sanctions à l'encontre des écrivains, collaborateurs avec l'Allemagne nazie, et à l'encontre de leurs éditeurs, jamais pénalisés. Il refuse dans le même temps de participer à l'établissement d'une « liste noire » et renvoie les auteurs au jugement de leur conscience.
En 1960, il fait partie, avec Sartre, des signataires du Manifeste des 121 écrivains et artistes qui déclarent « le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie ». En guise de protestation contre la torture pratiquée enAlgérie, Vercors refusa la Légion d'honneur.
Dans Le Silence de la mer, Vercors ne dédie pas son livre à un grand résistant ou à une figure de la liberté mais à Saint-Pol-Roux, Poète assassiné. Saint-Pol-Roux est un écrivain, vieil homme qui meurt de chagrin en 1940 quand son manoir contenant tous ses textes inédits est pillé, peu après qu'un soldat allemand a violé sa fille et tué sa servante. Tout comme Le Silence de la mer veut évoquer une résistance muette au bord des cris, cet homme qui meurt brisé, presque futilement, est le symbole même de la lutte silencieuse de Vercors.
Il est aussi connu pour un roman philosophique, Les Animaux dénaturés, dont fut tirée la pièce Zoo ou l'assassin philanthrope. Il meurt à Paris le 10 juin 1991.
Le fonds d'archives de l'écrivain est désormais consultable à la bibliothèque de l'Université du Maine rebaptisée Vercors depuis.
bibliographie
romans :
- Les Animaux dénaturés, Albin Michel (1952)
- Colères, Albin Michel (1956)
- Sylva, Grasset (1961)
- Quota ou les Pléthoriens avec Paul Silva-Coronel, Stock (1966)
- Le Radeau de la Méduse, Presses de la Cité (1969)
- Sillages, Presses de la Cité (1972)
- Comme un frère, Plon (1973)
- Tendre naufrage, Plon (1974)
- Les Chevaux du temps, Tchou (1977)
- Le tigre d'Anvers, Plon (1986)
- Cette œuvre regroupe en fait deux récits publiés en 1951 : Les Armes de la nuit et La Puissance du jour. C'est une réécriture de la même histoire dans des décors différents.
- nouvelles
- Le Silence de la mer (1942)
- La Marche à l'étoile (1943)
- Le Songe (1943)
- Ce jour-là (1943) [inclus dans le recueil de nouvelles Le Silence de la mer]
- L'impuissance (juillet 1944) [inclus dans le recueil de nouvelles Le Silence de la mer]
- Le Cheval et la Mort (1944) [inclus dans le recueil de nouvelles Le Silence de la mer]
- L'imprimerie de Verdun (1945) [inclus dans le recueil de nouvelles Le Silence de la mer]
- Les Armes de la nuit (1946)
- Les Yeux et la lumière, Albin Michel (1948)
- La Puissance du jour, Albin Michel (1951)
- Sur ce rivage, I - III, Albin Michel (1958-1960)
- Clémentine (1959)
- Sept sentiers du désert, Presses de la Cité (1972)
- Le Piège à loup (1979)
En 1941, au début de l'Occupation, un officier allemand, épris de culture française, réquisitionne la maison d'une famille comprenant un vieil homme et sa nièce. Par des monologues prônant le rapprochement des peuples et la fraternité, il tente, sans succès, de rompre le mutisme de ses hôtes dont le patriotisme ne peut s'exprimer que par ce silence actif.
Le Silence de la mer et autres récits est aussi le titre d'un recueil de nouvelles de Vercors qui comporte 6 nouvelles.
Un livre est rarement l'objet d'un culte tel que l'a été le Silence de la Mer, pour des raisons plus patriotiques et conjoncturelles que littéraires. Le contexte a donné lieu à de nombreuses allégations comme celle d'Ilya Ehrenbourg qui pensait qu'il s'agissait sûrement d'une « œuvre de provocation écrite certainement par un nazi pour servir l'action d'intoxication menée par la Gestapo ». Ou encore la majorité des résistants à Londres qui ont lu le livre étaient sûrs qu'il avait été écrit par André Gide...
L'histoire est inspirée de faits réels, Vercors ayant accueilli chez lui un officier allemand avec une jambe raide qui jouait au tennis pour la rééduquer. Toutefois, aucun rapport ne s'était jamais établi entre eux mais Vercors avait remarqué que cet officier avait pour la France un certain attachement notamment par sa possession de nombreux livres français et d'un buste de Pascal. À partir de ces éléments, Vercors a écrit l'histoire que nous connaissons aujourd'hui, sa femme étant devenue sa nièce pour créer un lien passionnel plus dramatique.
Rédigé au cours de l'été 1941 le livre n'est achevé d'imprimer que le 22 février 1942. Nombre de lecteurs remarquèrent un décalage entre le récit et les réalités de la situation : pour ceux qui ne supportaient pas le joug allemand le temps du silence était dépassé, l'heure de la lutte avait sonné. La dédicace à Saint-Pol-Roux, loin d'être gratuite, confirme et souligne le sens du récit. Le poète, ami de Jean Moulin et de Max Jacob, était mort en décembre 1940 à l'hôpital de Brest six mois après qu'un soldat allemand ivre eut forcé la porte de son manoir, tué sa servante et violé sa fille, Divine (le viol fût réfuté par la suite). L'hommage est explicite ; les autorités qui ont pu couvrir un tel crime (mais l'ont elles couvert, cf article Saint-Pol-Roux dans wikipedia: "Le soldat allemand fut condamné à mort par un Conseil de guerre et fusillé") ne sauraient être crues lorsqu'elles nous proposent de collaborer avec elles. Les écrivains qui acceptent de collaborer avec elles se font leurs complices.
Le manuscrit parvient à Londres, et le général De Gaulle en ordonne une réédition sur le champ aux fins de large diffusion. C'est une de celles-ci qui passera dans les mains de Melville (voir Le Silence de la mer).
C'est devenu une nouvelle "classique" abordant des thèmes centraux sur la vie et la guerre.
- en suivant l'éphéméride...
- voilà des années que ce livre est à portée de main...
- mon challenge : le lire avant le 31 décembre !
2 commentaires:
Lu et relu quand j'étais jeune, il y a ...longtemps. Un jour j'écrirai sur l'édition des livres des années 50 à 70 pour lesquels la guerre fut omniprésente.
Le Papou
Très bonne idée Le Papou, j'espère que tu me préviendras. Un sujet vraiment intéressant.
bonne journée
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