Stendhal peint le désenchantement de la carrière militaire vingt ans après l'épopée
napoléonienne. Il évoque dans de nombreux passages le climat de suspicion des autorités militaires vis-à-vis des
idées libérales, ainsi que la hantise d'une contagion
carbonariste en France, y compris dans l'armée et les élites.
Editeur : le livre de poche
suivi de lecture :p.12
Ainsi notre héros n'avait point le physionnomie à la mode, qui, à Paris, fait les trois quart de la beauté. Enfin, chose impardonnable dans ce siècle empesé, Lucien avait l'air insouciant, étourdit.
p.13 conseil du cousin
Mais le monde te demandera des comptes, tôt ou tard, de la place qu'il t'accorde sur parole, à cause des millions de ton père. Si ton indépendance donne de l'humeur au monde, il saura bien trouver quelques prétextes pour te percer le coeur. Un beau jour il aura le caprice de te jeter au dernier rang. Tu auras l'habitude d'un accueil agréable ; je te vois au desespoir, mais il sera trop tard. Alors tu ressentiras la nécessité d'être quelque chose...
p.113
Je ne songe nullement au mariage ; j'aimerais mieux pour le moment la prison. Si je pensais autrement, mon père me déterrerait quelque banquière hollandaise enchantée de venir régner dans les salon de ma mère, et fort empressée d'acheter ces avantages avec un million ou deux, ou même trois.
p.144
Mon sort est-il donc de passer ma vie entre les légitimistes fous, égoïstes et polis, adorant le passé, et les républicains fous, généreux et ennuyeux, adorant l'avenir ?
p.150
Enfin, Lucien s'aperçut qu'après l'avoir suffisamment dulcifié par les compliments les plus flatteurs et les mieux faits, le comte l'accablait de questions.
p.208 - sur madame de Chasteller
C'était une âme simple, sans expérience des choses de la vie ni d'elle-même. Elle avait passé dix ans au couvent et seize mois dans le grand monde. Mariée à dix-sept ans, veuve à vingt, rien de ce qu'elle voyait à Nancy ne lui semblait agréable.
p.234
Leuwen avait profité de son cahier de papier blanc pour composer une seconde lettre qu'il trouva plus céladon encore et plus plate que celle qui était à la poste.
p.139
Engagé dans l'armée en 1800, il occupa surtout des fonctions d'administration militaires comme durant la
campagne de Russie en 1812. Amateur d'arts et passionné d'
Italie où il effectua de nombreux séjours, il écrivit d'abord des essais esthétiques sous son vrai nom comme
L'Histoire de la peinture (début 1817), mais c'est sous le pseudonyme de « M. de Stendhal, officier de cavalerie » qu'il publia
Rome, Naples, Florence en septembre 1817
4. Ce nom de plume est inspiré d'une ville d'
Allemagne «
Stendal », lieu de naissance de l'historien d'art et archéologue renommé à l'époque
Johann Joachim Winckelmann, mais surtout proche de l'endroit où Stendhal vécut en 1807-1808 un moment de grande passion avec Wilhelmine de Grisheim. Ayant ajouté un H pour germaniser encore le nom, il souhaitait que l'on prononce « Standhal »
5.
Son ami de longue date
Prosper Mérimée le considérait comme un remarquable observateur du cœur humain
11. Et les sentiments amoureux sont dépeints avec beaucoup de soin : le
narrateur expose longuement la naissance de la passion amoureuse et ses péripéties, que ce soit entre M
me de Rênal et Julien, Julien et Mathilde de La Mole, Lucien Leuwen et M
me de Chasteller ou Fabrice et Clélia.
L’autre limite du « réalisme » de Stendhal tient au romanesque, qui traverse tous ses romans. Le héros stendhalien est une figure romanesque. Le personnage de Julien est intelligent, ambitieux jusqu’à la folie, et nourrit une haine profonde pour ses contemporains. Fabrice est un jeune homme exalté et passionné. Lucien Leuwen est idéaliste et bien fait de sa personne. Ces personnages ont souvent à peine 20 ans.