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mercredi 16 février 2011

L'écrivain François Nourissier est mort

h4ill697479nourissier.jpgFrançois Nourissier n’avait que 29 ans lorsqu’il écrivit, à propos de l’Académie Goncourt, qu’il présidera quarante ans plus tard: "Ce manège, où vivent vieux les chevaux de reprise, attire parfois les pur-sang: Colette, Giono."



Dans un manège, on tourne en rond et il est vrai que nous devons résister à la tentation de croire que la littérature a un sens giratoire. Devant le nombre et la diversité des romans en course pour le Goncourt, ce sont nos têtes qui tournent. Mais, à un moment, il faut bien se décider et jouer gagnant celui ou celle que chacun espère être le bon numéro. Colette et Giono n’ont pas reçu le Goncourt. Ni Nourissier d’ailleurs. Mauvaises pioches, bonnes pioches. Chaque année, on espère ne pas se tromper.
En tout cas, nous n’imiterons pas les membres du parlement norvégien, qui ont décerné le Nobel de la paix à Barack Obama. C’est comme si nous attribuions le prix Goncourt à un jeune homme qui ferait de beaux et prometteurs discours sur le livre qu’il n’a pas encore écrit. Nous ne le donnerons pas non plus à Valéry Giscard d’Estaing pour son roman La Princesse et le Président. D’abord parce qu’il appartient à l’autre manège, "où vivent vieux les chevaux de reprise", l’Académie française. Ensuite, parce que cette histoire d’amour entre deux têtes couronnées manque de ce qui fait le charme et le prestige de la cour: le style. Les Norvégiens ont raté leur affaire: c’est à Giscard qu’il fallait donner le Nobel de la paix! Pour sa contribution à la concorde entre deux vieux pays séparés par la Manche et unis sur un oreiller imaginaire.
François Nourissier n’était pas dupe du succès. Si jeune, il connaissait déjà les pièges des prix littéraires. "On a vu des lauréats, professeurs, abandonner leurs classes ; modestes, prendre des maîtresses spectaculaires ; piétons, acheter des automobiles. Le jour est ensuite venu où, sans place et sans le sou, trompés, accidentés, ils ont dû revenir aux habitudes d’autrefois: les craies qui grincent, l’œil battu d’octobre, l’épouse, l’autobus."
Joliment dit, non? François Nourissier a écrit Les Chiens à fouetteren 1956. Il n’avait publié que deux romans: L’Eau grise et Les Orphelins d’Auteuil. Ce petit livre aujourd’hui réédité est un libelle, un pamphlet. Sous couvert de donner des conseils à un jeune provincial qui l’admire et qui ambitionne de conquérir la gloire dans les lettres, un écrivain dresse un tableau de la société littéraire, ses auteurs, ses éditeurs, ses critiques, ses maux, ses ridicules, ses prébendes, ses hochets. C’est drôle, c’est subtil, c’est féroce. Peu importe que des noms que l’après-guerre a tirés de l’ombre y soient retournés. Cinquante ans après, si les chefs, les épices et les ronds de serviette ont changé, la cuisine, dans son mouvement, dans ses effluves, est restée à peu près la même. Mais ce qui n’a vraiment pas bougé, c’est la virtuosité au piano de François Nourissier. Au premier sang, sur l’os, cuisson très courte, sauce piquante… Un régal de gourmet.
Raymond Dumay en était un. Il a écrit des livres bien documentés sur la table et sur le vin. Romancier, critique, il ne cachait pas son pessimisme sur l’avenir de la littérature. Dans un essai très combatif paru en 1950 (Mort de la littérature) – donc six ans avantLes Chiens à fouetter – lui criait au loup. Il prévoyait le déferlement et "la victoire de la littérature américaine", ainsi que les difficultés de plus en plus grandes à faire traduire nos livres. Il ne se trompait pas. Raymond Dumay était surtout inquiet pour les conditions de vie et de survie des écrivains. Son livre est un pamphlet social en leur faveur. Il demandait l’intervention des pouvoirs publics pour que les écrivains ne soient pas obligés d’avoir un second métier ou de prostituer leur plume. "La misère, affirmait-il, n’est pas une source de courage et d’énergie mais d’avilissement." Ce que dira d’une autre façon François Nourissier: "Ne perdez pas le goût d’écrire par goût de gagner de quoi écrire."
Les Chiens à fouetter, de François Nourissier, 190 p., plus Le Jeu de l’oie du petit homme de plume, dessiné par Maurice Henry, Le Dilettante, 25 euros.
Mort de la littérature, de Raymond Dumay, préface (excellente) d’Eric Chevillard, Stock, 175 p., 16,50 euros.
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